Fleurs mellifères pour un jardin accueillant pour les abeilles et autres pollinisateurs

Avant de commencer, une petite question : à quels pollinisateurs voulons-nous faire de la place dans nos jardins ?  

En France comme ailleurs, les plantes locales ont coévolué avec la faune locale en interagissant avec les diverses espèces d'insectes qui la constituent. Cette co-évolution rend faune et flore locales particulièrement bien adaptées l'une à l'autre. 

Elles sont, à vrai dire, indissociables et il existe, pour tout lieu dans le monde, une flore particulièrement bien adaptée aux pollinisateurs de ce lieu. C'est la flore locale. Sa disparition fragilise les pollinisateurs locaux. 

Dans une grande partie de la France, des plantes comme le bleuet des champs, le coquelicot, le lotier corniculé, les marguerites des champs, les scabieuses et bien d'autres espèces encore, ont déserté nos environs car l'empreinte de nos activités est trop importante. La conséquence inévitable est que leurs pollinisateurs ont aussi déserté ces lieux. 

Comment retrouver et réimplanter ces plantes vitales pour nos pollinisateurs locaux ? C'est cette expérience que je vous invite à vivre en sortant des sentiers battus.

Quelles fleurs mellifères pour les abeilles et les pollinisateurs ?

Se promener dans une prairie fleurie de sa région donne de précieuses indications sur les plantes appréciées par les pollinisateurs locaux. 

L'été 2025, j'ai visité les prairies naturelles du Mezenc défendues, à juste titre, comme un véritable patrimoine local. Raiponces, scabieuses, knautias, renoncules de diverses espèces , pensées, stellaires, reine des prés, orchidées sauvages et narcisses y entraînaient pollinisateurs bourdonnants et passants flâneurs dans leur monde coloré de couleurs complémentaires, pour le plus beau des effets. 

Dans votre région aussi vous pouvez observer la flore locale. Cette observation peut vous demander plusieurs années si vous habitez un endroit trop artificialisé comme les grandes agglomérations. Par conséquent, si le nombre d'espèces vous déçoit par leur faible nombre, ne désespérez pas. C'est bien souvent la conséquence de pratiques de jardinage et d'entretien (tontes fréquentes et laissées sur la pelouse, usage de pesticides, piétinement) qui ont appauvri le sol. Lorsqu'on les cesse et qu'on met en place des pratiques plus vertueuses, tout se remet en place rapidement. 

Il suffit alors d'avoir de la patience pour voir revenir au fil des ans de plus en plus d'espèces. C'est le temps de la nature ! 

Heureusement, nous pouvons interagir avec elle avec précaution et avec respect pour accélérer un tant soit peu le processus de rétablissement et de régénération. 

Réintroduire des plantes locales dans son jardin 

Mais comment sélectionner les espèces si l'on n'a pas eu le temps d'identifier celles de sa région ? 

En France comme dans plusieurs pays européens, un recensement des plantes locales est réalisé par les conservatoires de botanique départementaux. C'est un travail précieux qui est effectué depuis de nombreuses années et dont on peut consulter le résultat sur les sites internet de ces institutions ou en se rendant sur place. 

Personnellement, j'aime beaucoup le Conservatoire de botanique de Bailleul dont on peut facilement visiter le jardin botanique, le jardin médicinal, la bibliothèque et la granothèque. 

Ce savoir m'a permis de rattraper le retard que j'avais sur la connaissance des flores locales. Ainsi j'ai privilégié, pour mon jardin, des espèces que j'ai retrouvé dans ces travaux : bleuets, silènes, molènes, cabaret des oiseaux, coquelicots, marguerites des champs, scabieuses, knautias et autres espèces qui créent rapidement des espaces agréables pour les pollinisateurs et pour les oiseaux. 

L'intérêt de mes essais pour plusieurs espèces de pollinisateurs s'est avéré dès le premier printemps et il s'est confirmé au fil des ans. La première année, 4 ou 5 espèces de bourdons, d'abeilles solitaires et de syrphes sont revenues. Puis l'année d'après, c'était un véritable festival de pollinisateurs, de carabes, de papillons. J'ai même vu un merle et des mésanges revenir dans mon jardin. 

Parmi les espèces sauvages qui avaient la cote, on retrouve 

  • Bleuets des champs (Centaurea cyanus) : Cette annuelle aux fleurs très souvent bleu électrique est facile à cultiver et rend heureux abeilles sauvages, bourdons, syrphes, du printemps jusqu'à l'automne. 

  • Coquelicots (Papaver rhoeas) : que d'abeilles minuscules j'ai vu se rouler joyeusement dans son pollen abondant ! 

  • Marguerites des champs (leucanthemum vulgare) : elle attire de nombreux pollinisateurs et leurs prédateurs tout aussi vitaux pour le rétablissement de l'écosystème.

  • Scabieuses colombaires (Scabiosa columbaria ) : cette vivace a quelque chose de magique. elle attire une foule de pollinisateurs, y compris des papillons.

A moins que vous ne soyez en bord de mer, ou dans les conditions de haute montagne, vous pouvez essayer de semer quelques unes de ces graines que l'on retrouve dans la nature. Avec elles, il y a des chances que vous voyiez revenir rapidement des insectes pollinisateurs dans votre jardin.

Avoir des fleurs le plus longtemps possible est une aide précieuse pour les pollinisateurs

Dans mon jardin, je m'impose quelques règles pour augmenter les chances de survie des insectes pollinisateurs du début du printemps jusqu'aux portes de l'hiver :

  • Dans les petites parcelles que je dédie aux pollinisateurs, je ne sème que des plantes botaniques. Il s'agit de plantes qui sont dans leur état naturel, avec des fleurs plus petites que celles produites par l'industrie de l'horticulture. Elles ont moins de rangs de pétales. Et surtout, elles ont du nectar et du pollen en abondance. Leurs graines sont fertiles; ce n'est pas le cas de toutes les graines que vous trouverez dans le commerce. 

  • Je sème un nombre important d'espèces différentes : entre 6 et 10 espèces pour chaque îlot. Cela assure une variété de pollen et de nectar qui améliore l'intérêt de l'îlot pour les pollinisateurs.

  • Pour assurer du nectar et du pollen du printemps à l'hiver, je sème de petites parcelles en différé. Une autre solution consiste à couper les fleurs dès qu'elles fânent, avant qu'elles ne montent en graine pour favoriser une nouvelle floraison au cours de la même saison. 

En introduisant ces fleurs sauvages, mon jardin est très vite devenu attractif d'une nouvelle biodiversité.

Quand semer ces espèces sauvages ? 

Pour offrir aux abeilles une source continue de pollen et de nectar, vous pouvez donc étaler les semis tout au long de l'année. Une floraison échelonnée permet aux pollinisateurs de trouver leur nourriture en toute saison, ce qui renforce leur santé avant l'hivernage. 

Mais à partir de quand ? Revenons au rythme de la nature. 

Car ce qu'il y a de bien avec les plantes botaniques sauvages, c'est qu'il suffit d'observer la nature autour de nous et d'imiter son rythme pour avoir des fleurs à la bonne saison. 

Les graines de plantes sauvages tombent à terre après que la fleur fânée est montée en graines. Les graines sèchent sur pied puis, tombent ou se font transporter par un pollinisateur ou tout autre acteur.

Avant que l'hiver n'arrive, en général, elle poussent vers le bas. Elles préparent leurs racines. Après l'hiver, elles accélèrent la croissance de leur parties aériennes. 

Aussi, si vous semez vos graines sauvages à l'automne, vous augmentez leurs chances d'être fortes, de bien se développer et d'être prête pour leurs pollinisateurs dès le printemps suivant. Mais vous pouvez aussi les semer à la sortie de l'hiver.

Choisir ses graines sauvages et mélanges de prairie

Si vous optez pour la récolte de graines en milieu naturel, adoptez les bons gestes pour préserver la nature et laisser le moins de traces possibles de votre passage. Ce n'est pas l'objet de ce billet, alors je mets ici le lien vers le guide des bonnes pratiques de l'AFC, l'association  française des professionnels de la cueillette de plantes sauvages.

Si, au contraire, vous préférez passer commande, alors privilégiez  les récolteurs et petits producteurs locaux aux entreprises qui préparent des mélanges qui ne sont pas toujours adéquats. J'évite, en général les compositions qui mentionnent "Mélange pour abeilles". Elles sont souvent pauvres en nombre d'espèces et se limitent à des espèces cultivées horticoles qui ne donnent pas de descendance (graines stériles).

Si cela est possible, assurez-vous que vos graines soient produites localement, reproductibles et libres de droits et qu'il s'agisse d'espèces de la flore locale, car souvenez-vous, les meilleures fleurs méllifères sont encore celles qui poussent naturellement sous votre climat. Elles favorise la biodiversité régionale. 

Certaines espèces sont d'un grand réconfort pour les humains pressés que nous sommes. Parmi elles, je mets le bleuet et les marguerites qui poussent vite, font de très jolies fleurs, sont très riches en nectar, attirent les abeilles et autres pollinisateurs et demandent peu d'entretien. Elles sont, par ailleurs parfaites pour les terrains difficiles.

Associez-les avec des espèces locales qui lèvent plus difficilement comme le cabaret des oiseaux par exemple ou des espèces qui ne fleurissent qu'à partir de la deuxième année comme la bourrache ou la molène

Vous pouvez aussi ajouter des plantes comme la phacélie et le trèfle rouge qui améliorent rapidement la texture du sol tout en produisant du nectar ou la vipérine tout aussi intéressante pour la pollinisation.

La majorité des espèces botaniques que je recommande dans cet article sont des annuelles ou des bisannuelles. Leur cycle de vie est court, de la durée d'un ou 2 ans. Mais vous pouvez aussi ajouter des espèces que vous aimez dans le cadre de votre alimentaiton ou de votre santé comme la sauge, la lavande et le thym, en particulier si vous êtes dans le Sud de la France. Ce sont des vivaces robustes qui structurent durablement l'esthétique de votre jardin (elles vivent au-delà de 2 ans), tout en attirant les abeilles et autres pollinisateurs.

Préparez votre sol, semez et récoltez !

  • Préparez votre sol. Il s'agit de préparer un coin de terre où la concurrence que d'autres espèces pourraient faire à vos graines sera affaiblie par votre travail. J'aime bien la technique du faux-semis car je trouve que c'est la meilleure façon de travailler le sol en le préservant. Pour la réaliser, sarclez une première fois le carré que vous voulez dédier aux pollinisateurs, sans retourner la terre. Laissez-le reposer 2 semaines s'il pleut, jusqu'à 3 semaines s'il ne pleut pas assez. Des graines mises à jour par votre travail se mettront à germer. Retirez-les avec des griffes ou un rateau. Votre carré est prêt. 

  • Semez vos graines. J'aime bien à cette occasion créer des paysages différents d'une année sur l'autre et je vous en propose quelques uns dans ma boutique. 

  • Aidez vos graines à pousser. Maintenez une humidité constante de la terre jusqu'à la levée des graines en arrosant tous les jours lorsqu'il ne pleut pas. 

  • Organisez une deuxième floraison. couper les fleurs qui fânent avant qu'elles ne montent en graines. Cela donnera une nouvelle floraison que les pollinisateurs seront heureux de trouver. 

  • Récoltez vos graines. C'est reparti ! Au deuxième tour, laissez les plantes monter en graines soit pour qu'elles se ressèment naturellement, soit pour les récolter et les redistribuer. 

Entretien écologique et sécurité

Aucun pesticide n'est souhaitable, qu'il soit BIO ou non, ni pour les humains, ni pour les plantes, ni pour les pollinisateurs, insectes et oiseaux. Car les pesticides sont un poison pour tous. Ils contaminent nectar et pollen mais aussi nappes phréatiques et cours d'eau. 

Pour éviter des invasions dérangeantes d'espèces, la meilleure des solutions est de mettre en place un petit écosystème en augmentant le nombre d'espèces de plantes. Ainsi des prédateurs naturels tels que les carabes et les coccinelles s'installeront pas loin des pucerons, par exemple, qui eux servent de garde-manger aux fourmis absolument indispensables pour améliorer la qualité de sol. 

La première année, cela peut paraître compliqué, mais très vite, tout se met en place les années suivantes. Et on y prend goût.

Balcons et petits espaces urbains

En ville, même un tout petit espace dans une jardinière avec un peu de profondeur, remplie d'espèces de plantes mellifères devient un précieux garde-manger pour les pollinisateurs. 

Imaginez plein de petits espaces mis bout à bout dans les grandes villes ! Cela formerait des corridors nourriciers pour les pollinisateurs. Un rêve que je chéris et que j'espère voir se réaliser d'ici peu. 

Foire aux questions

Quelles fleurs pour les abeilles sont les plus efficaces toute l'année ?

Les premières abeilles solitaires et bourdons pointent le bout de leur nez à la fin de l'hiver, entre février et mars dès que les premières fleurs s'épanouissent. Diverses espèces d'abeilles se succèdent tout au long du printemps et de l'été. Pour nourrir les diverses espèces d'abeilles sans interruption dès les premiers mois du printemps jusqu'aux portes de l'hiver, semez plusieurs espèces de plantes mellifères. Chacune apportera des nutriments différents. 

Quand semer des fleurs mellifères pour obtenir une floraison optimale ?

Sur vos balcons, semez vos plantes sauvages à partir de fin février, début mars. Dans votre jardin, vous pouvez semez dès les premières semaines de l'automne. Les floraisons apparaîtront dès les premières chaleurs. Les espèces de potager comme la phacélie et la bourrache se sèment idéalement entre mars et avril. Elles poussent rapidement et seront disponibles pour vos abeilles tout l'été. 

Les plantes vivaces mellifères s'installent soit à l'automne (pour un bon enracinement) soit au printemps. 

Les pollinisateurs sont-ils un danger pour les enfants ou les personnes allergiques ?

De nombreuses espèces de pollinisateurs sauvages (abeilles solitaires, bourdons, syrphes, papillons, ...) sont inoffensifs pour les humains. Ils ne piquent qu'en cas de menace directe pour leurs habitations ou leur descendance. 

Quelques précautions suffisent : placez votre carré de plantes sauvages en tenant compte des usages dans votre jardin. Eloignez-les par exemple des zones de jeu.

En cas d'allergie aux piqûres, par précaution, ne semez pas de plantes proche de votre habitation  !

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Quel arbuste original le fragon petit-houx !